« Trop turbulent » qu'il disait, « puis récalcitrant, un énergumène allergique à toute forme de discipline !»
Ainsi parlait « trou-trou » le proviseur de l'école, qu'on appelait comme ça à cause de son visage tout constellé de petites cavernes.
Je me souviens du regard de mon père qui le fixait droit dans les yeux . mi-figue mi-raisin qu'il était mon paternel.
Je pense qu'au fond, il avait bien envie de lui dire d'aller se faire foutre, mais ce n'était pas dans les moeurs, pas encore.
A l'époque, quand tu rentrais chez toi avec une mauvaise note, t'avais toutes les chances de te prendre un pied au cul en bonus.
Alors vous comprenez, en sortant de là je m'attendais au pire. mais contre toute attente, sur le chemin du retour, il a passé son bras autour de mon épaule et n'en a pas pipé une.
C'est comme ça que j'ai migré de l'athénée Chênée à celle d'Angleur.
C'était le temps où j'essayais de monter mon premier groupe avec Melo, Nija, Kepan.
Moi, j'étais à la batterie . j'avais bien pratiqué sept ans de piano classique, mais les claviers, y en avaient pas trop dans le style de musique qu'on voulait faire.
A Angleur, je me sentais revivre, faut dire qu'ils ne pétaient pas plus haut que leur cul comme à Chênée. Puis c'était petit, il n'y avait que deux classes par année et, à peu de chose près, tout le monde se connaissait.
Alors un jour débarque un type que je croisais parfois dans la cour: « hé » qu'il me dit, « paraît que tu cherches un guitariste pour ton groupe ? ». et avant que j'aie eu le temps de répondre, il me dit qu'il vient de s'y mettre et que ça l'intéresse.
Je réplique que s'il vient juste de commencer à gratter, ça risque de pas trop le faire, mais ce gars, il avait quelque chose qui me donnait envie de ne pas l'envoyer chier. Par la suite, mes prédictions sur ses talents de guitariste en herbe se révélant exactes, il s'est retrouvé au chant.
Ce fut l'époque de 'Défense d'uriner', des premiers concerts, des soirées interminables dans le grenier de Michel, des répètes dans l'abri au fond du jardin, des casiers de jup, des pétards et de tout le reste.
Il faut que jeunesse se passe, dit-on, et on en a fait des conneries, mais pour rien au monde je n'échangerais ces années là contre d'autres. c'était il y a plus de 40 ans. déjà .